Rencontres des cépages modestes

Vive le fouillis !

André Deyrieux

 

J’aime me promener dans le monde merveilleux des noms de cépages. On a bien de la chance d’avoir autant de richesse, un vrai fouillis même.
Tout a été fait, dirait-on, pour rendre la tâche des ampélographes plus complexe, à coups de comparaisons hâtives, d’étymologies poétiques, d’orthographes à géométrie variable (Mancin, Monsenc, Mencen…), de trajets hasardeux…, sans parler du fait que, par nature, les cépages connaissent déjà de nombreuses variantes. L’analyse ADN n’est venue que récemment mettre un peu de clarté et beaucoup de vérité dans les parentés et les origines.
Je me délecte pourtant des mythes, des légendes et des rapprochements poétiques et inventifs. Tout un monde où le dégoûtant devient râgoutant ; c’est-à-dire où le productif (qui donne beaucoup de gouttes) devient appétissant…
Combien reviennent d’Orient, comme le Persan (qui en fait, comme chacun sait, est originaire du lieu-dit Princens, en Maurienne) ; la Syrah qui ne vient pas de Shiraz, mais du nord des Côtes-du-Rhône, fruit des amours de la Mondeuse blanche et de la Dureza ; ou l’Altesse qui ne vient pas de Chypre, mais de terrasses d’altitude. Par contre, noble de naissance, l’Ugni l’est, dont le nom vient de « eu-génie », noble extraction. Par ailleurs, si le Beaujolais est aussi un cépage, de même que le Rosé du Var… l’Auxerrois ne vient pas d’Auxerre, mais d’Hauteserre ; l’Aramon ne vient pas d’Aramon, ni le Chardonnay de Chardonnay dans la Saône-et-Loire, ni l’Arbois du Jura.
L’Alicante vient bien d’Alicante (en Espagne) et si l’aspirant habite Javel, le cépage Aspiran vient bien de la commune du même nom, près de Lodève. Le Vaccarèse est bien originaire du Vaccarès, et le Raisin des Abymes (la Jacquère) rappelle bien l’écroulement du Granier près de Chambéry en 1248.
Mais si le Pagadebiti est un cépage corse qui doit son nom à sa qualité de payer les dettes du vigneron, le Grolleau n’assure pas quant à lui la fortune de ses vignerons du Val-de-Loire, et le Trousseau ne fournit pas la dot pour le mariage… Le Valdiguié a bien pour papa Mr Valdiguier et le Tibouren Mr Antiboulen, marin de cabotage de son état…, mais le père du Maréchal-Joffre ne saurait être l’époux de la maréchale…
Quant aux rodomontades du Romorantin, je laisse Jean Rosen et Henri Galinié en parler.