HOMMAGE A PIERRE BLANCHARD et alii…
par Olivier Yobrégat, IFV
Durant sa longue carrière à la Chambre d’Agriculture des Pyrénées-Atlantiques, Pierre Blanchard a arpenté de long en large les vignobles pyrénéens, avec l’ambition de contribuer à la connaissance de l’époustouflante diversité variétale qui les caractérise. Car si le sud-ouest de la France est la région qui compte le plus grand nombre de variétés autochtones, elle le doit en grande partie aux Pyrénées et à leurs piémonts, berceaux d’une kyrielle de cépages originaux et à fortes personnalités. Sur les plus de 130 aujourd’hui reconnus comme constituant le patrimoine du Bassin Sud-Ouest, près de la moitié proviennent en effet du terrain de jeu favori de Pierre. Et il faut ajouter que les dernières investigations menées dans ces régions nous ont permis de mettre la main sur quelques pieds encore non répertoriés à ce jour, dont les futures études génétiques permettront peut-être de préciser l’appartenance à l’une ou l’autre des familles qui vont vous être présentées. Si certaines de ces variétés n’ont jamais dépassé les limites de leur lieu de naissance, d’autres au contraire se sont élancées à l’assaut du monde, après avoir fondé à l’instar du Cabernet franc des familles parfois nombreuses dont quelques membres ont acquis une immense notoriété.
Mais ces terres montagneuses et les générations de vignerons qui s’y sont succédé ne se sont pas contentées de nous livrer cette formidable richesse végétale dans laquelle les vignerons puisent aujourd’hui l’essence de leurs productions. Elles se sont également révélées riches en ampélographes, soit natifs de leurs villages comme Marcel Durquety que Pierre a longtemps côtoyé, soit originaires d’autres contrées mais irrépressiblement attirés par ces parcelles hors d’âge parfois couvertes de hautains mystérieux, pouvant comporter plusieurs dizaines de variétés survivant sans greffage sur certains coteaux isolés…Depuis les années 1950, ont pu ainsi contribuer à connaître et préserver ce patrimoine unique des scientifiques de haut vol issus de l’INRA de Bordeaux, nombreux à avoir apporté leur pierre (Max Rives, Philippe Leclair, Marc Hévin, Louis Bordenave…), ou d’ailleurs (Louis Levadoux, Guy Lavignac, Jean-Pierre Artozoul, …), ainsi que des techniciens de différentes structures, comme Pierre Blanchard, Jean-Paul Houbart et tant d’autres. S’il est difficile de les citer tous, que dire des innombrables vignerons qui, par leur travail souvent héroïque dans les conditions pyrénéennes, ont créé, sélectionné, aimé et perpétué cette étonnante diversité que nous étudions aujourd’hui. A l’heure actuelle, nous sommes plusieurs à avoir repris ce flambeau, conscients de sa valeur et humbles devant le travail accompli avant nous. Avec Daniel Vergnes, qui a succédé à Pierre, Thierry Lacombe et Jean-Michel Boursiquot, nos deux ampélographes de référence, nous avons la chance de pouvoir contribuer à notre tour à la connaissance et à la préservation de ces variétés. Associées aux méthodes ampélographiques traditionnelles, les techniques récentes (à l’échelle de la viticulture !) d’analyse de l’ADN nous permettent d’identifier avec certitude des variétés parfois très proches parce qu’étroitement apparentées, et d’en tracer les arbres généalogiques, en apportant cette pierre décisive aux travaux antérieurs. Nous avons récemment par exemple entièrement revisité avec Pierre les conservatoires hérités de décennies de prospections et de patients travaux. Ce que nous y avons parfois découvert, au milieu de nombreux cépages parfaitement identifiés, nous n’appellerons jamais cela des erreurs. Trop conscients de ce que nous devons aux puissants moyens à notre disposition, qui nous apportent des réponses incontestables à des questions que nos prédécesseurs ont pu se poser durant leur carrière entière, nous parlerons plutôt de belles rencontres inattendues…
Merci à Pierre Blanchard et à tous les autres pour cet héritage, qui se perpétue avec bonheur dans les vignobles et dans les bouteilles des vignerons !